

La classification d'une espèce comme espèce clé de voûte peut faire débat au sein des humains qui se consacrent à la conservation des autres espèces. Cependant, cette comparaison entre l'équilibre d'un écosystème et le maintien d'une structure architecturale par la clé de voûte est très parlant. En architecture, placée au sommet d'une voûte d'ogives, cette pierre qui est posée en dernier lieu ferme la voûte et en assure la cohésion. Si elle était retirée, toute l’architecture qu'elle est censée maintenir s'effondrerait.
Dans l'architecture gothique, la clé de voûte permet l'équilibre entre les forces. Si on la retire, la structure s'effondre.
Dans la nature, il s'agit d'une espèce dont la présence est indispensable et qui joue un rôle clé sur le bon fonctionnement d'un écosystème, non pas par son effectif ou par sa taille, mais par l’action qu’elle exerce sur les comportements et/ou effectifs des autres espèces qui composent le système. Parmi les espèces classées comme clé de voûte, on trouve le ver de terre, l'abeille, les coraux, la loutre de mer ou encore le chien de prairie, mais également des espèces végétales comme le bouleau ou la sphaigne... La disparition des espèces de voûte entraine des extinctions en cascade et des changements fonctionnels majeurs.

La disparition d'une espèce clé de voûte compromettrait la structure et le fonctionnement d'un écosystème.
La réintroduction du loup dans le parc naturel Yellowstone est un bon exemple pour comprendre l'importance de la présence d'une espèce clé de voûte et son rôle dans la renaturation et la restauration écologique de son milieu. Avant son retour, la végétation du parc était durement mise à l'épreuve par la surpopulation des cerfs canadiens (ou wapiti). Pour réguler le nombre des herbivores, il a été décidé de réintroduire en 1995 une meute d'une trentaine de loups venus du Canada, afin de restaurer écologiquement le parc qui avait perdu ce grand prédateur dans les années 20, éradiqué par l'homme. La prédation du loup sur le cerf a entrainé sur l'écosystème de Yellowstone des réactions en chaine (cascade trophique) : diminution de la population des cerfs; changement du comportement de ces derniers qui - en évitant les secteurs de chasse du loup dans les vallées et les gorges - a permis à la végétation de se régénérer près des rivières notamment, limitant ainsi l'érosion des sols et stabilisant les berges; la recolonisation des saules et des trembles dans le parc ont profité aussi aux oiseaux sédentaires et migrateurs (expansion de leur population), aux insectes, ainsi qu'aux castors qui les utilisent pour leur ouvrage de barrage et pour leur alimentation.
Le castor est considéré lui aussi comme une espèce clé de voûte, un ingénieur écologique dont l’activité d'abattage des arbres et les barrages ont un impact sur les milieux terrestre et aquatique. Les retenues d’eau ainsi recréées à Yellowstone ont favorisé le retour des loutres, des canards, des rats musqués, des poissons, des batraciens et autres reptiles dépendants des milieux aquatiques.
D'autre part, en régulant le nombre de coyotes, le loup a permis aux populations de souris et de lapins de se reconstituer, ce qui a eu un effet bénéfique pour leurs prédateurs (renards, rapaces, belettes, blaireaux...). Les restes de carcasses laissés par les loups profitent à leur tour aux aigles, corbeaux et aux ours qui ont vu leur régime alimentaire s'enrichir d'un plus grand nombre de baies grâce au retour de la végétation !

Documentaire sur ce passionnant Retour des loups à Yellowstone :
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Ce soir, on regardera le documentaire d’Arte sur les effets de la réintroduction à Yellowstone, pour faire suite à ton article. Merci pour cet article passionnant !